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  • Michel

L'amertume du sucre de canne - introduction

#Eau #Environment | En novembre 2019, j'ai commencé ma recherche sur l'utilisation des produits phytosanitaires au El Salvador avec un focus tout particulier sur la production sucrière. Vous allez probablement vous demander pourquoi l'industrie sucrière (80 000 hectares) et non pas une autre industrie comme celle du café qui d'ailleurs se cultive à une superficie bien supérieure (140 000 hectares) au El Salvador ? Pourquoi ne pas considérer la problématique de façon intégrale incluant l'utilisation des pesticides pour la production alimentaire des salvadoriens (maíz, frijoles, sorgo) ?




Oui, vous avez raison. Cependant, il y a plusieurs raisons qui expliquent cela. Les communautés avec lesquelles nous travaillons qui vivent sur la zone côtière sont d'avantage impactées par l'industrie sucrière pour des questions d’accaparation des terres (land grabbing), d’accaparation des ressources en eau douce, de la perte de leurs écosystèmes de mangrove dont ils dépendent pour vivre ainsi que le taux de mortalité élevé chez les travailleurs de la canne à sucre pour cause d’insuffisance rénale. Bon après cela, il y a l’agenda politique de la UNES et les ressources financières qui seront débloquées si nous nous positionnons en leader au niveau national de la lutte anti-pesticide (mais bon, cela ne nous regarde pas).



Je vais vous communiquer assez régulièrement les avancements sur le sujet mais en gros, il s’agit d’identifier les dangers, l’exposition et d’évaluer les risques pour la santé des travailleurs et pour l’environnement de l’utilisation des pesticides dans les cultures de canne à sucre. Tout cela en 1 an avec 2 jours de disponibles par semaine, de maigres ressources financières et un contexte territorial brûlant. (Tu veux du challenge, en voilà !!!)



Cette recherche comprend de différentes phases dont des activités piquantes :


  • Intrusion au Ministère de l’Agriculture pour substituer le registre des pesticides et leurs quantités importées.

  • Réunion avec les leaders communautaires pour l’analyse des risques sécuritaires et d’impacts négatifs qu’un tel projet pourrait avoir sur les communautés.

  • Enquêtes par entretien des acteurs de l’industrie et des travailleurs et travailleuses.

  • Demande camouflée au Ministère de l’Environnement pour exporter des échantillons de sédiment, de mollusque et peut-être d’échantillon passif aux Etats-Unis.

  • Remplir des demandes de financement et demander des devis à trois entreprises différentes pour chaque achat de matériel d’échantillonnage et des analyses dont nous avons besoin.

  • Et s’il reste un peu de temps… répondre aux défis scientifiques de cette recherche (quel luxe que de faire de la recherche !)



L'intoxication de la population et destruction environnementale

Je partage avec vous la petite introduction sur le rapport scientifique que je suis en train d’écrire pour la génération qui arrive encore à se concentrer sur une lecture d’un texte plus grand qu’un tweet de 120 caractères ou pour regarder une belle image instagram.


« La dernière initiative politique pour réguler les produits phytosanitaires d’El Salvador date du 5 septembre 2013. Effectivement, à cette date fut accepté par l’assemblée législative le décret 473 stipulant, entre autres, une liste de substances à interdire ainsi que la création d’un comité technique pour évaluation du risque sanitaire et environnemental des pesticides. Malheureusement, cette idée soutenue par le Président de la République Mauricio Funes, en fonction à cette époque, n’a jamais vu le jour.


Au jour d’aujourd’hui, le dernier apport de la législation salvadorienne pour la gestion de pesticides en vigueur date de 15 ans en arrière et seul 58 substances sont régulées dans le pays par des décrets nationaux et accord internationaux.


Pourtant au El Salvador, on importe chaque année pour plus de 55 millions de dollars de ces produits dans le pays.

Durant les 12 mois de l’année, plus de 77 000 tonnes de fertilisants, 3000 tonnes d’herbicides, 1200 tonnes d’insecticides et 138 tonnes de fongicides sont appliquées dans les cultures sans pour autant disposer d’un moindre contrôle sur les conditions d’application de ces produits ni de leur dangerosité pour la santé humaine et l’environnement.

Bien qu’il n’y ait pas de contrôle par les autorités compétentes et un cadre légal défaillant, les effets se font déjà ressentir sur la santé publique et l’environnement.

Le El Salvador est en tête de la liste des pays d’Amérique Centrale avec le plus haut taux de maladies chroniques rénales (47 morts/100'000 habitants) , dont la CKD de sources inconnues touche principalement les agriculteurs des zones côtières se dédicant principalement à la culture de sucre de canne.

L’incidence des cas d’intoxication aigüe correspond quasiment à une personne sur mille de la population salvadorienne (94.6 intoxications/100'000 habitants).

Ces chiffres ne correspondent probablement qu’à la pointe de l’iceberg car cela n’inclut pas tous les effets chroniques que ces produits ont sur la santé des utilisateurs, de leurs familles et de la population générale exposée par la nourriture et par l’eau contaminée.


Au niveau environnemental, les principaux sites écologiques du El Salvador (sites Ramsar) d’importance mondiale sont menacés par une perte de biodiversité autant en richesse d’espèces que quantitativement. Aux pressions climatiques déjà très fortes que subissent les écosystèmes viennent s’ajouter les pressions anthropiques en terme de surexploitation des ressources en eau douce et de contamination par des pesticides pour les cultures de grande extension.


Face à la passivité des autorités compétentes, l’objectif de ce travail d’investigation scientifique est de relancer le processus d’évaluation du risque des produits phytosanitaires en y apportant certaines informations clefs, actuelles et contextualisées au El Salvador sur les risques sanitaires et environnementaux encourus dans ce pays par l’utilisation des produits phytosanitaires.


Ce travail inclut comme étude de cas la production sucrière car cette dernière est présente majoritairement sur le territoire d’étude et se caractérise par une grande intensité de production comportant une consommation iconsidérable d’eau et de produits phytosanitaires. »

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