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Michel

Hasta luego querido El Salvador

Salut à toutes et tous,


Comme on dit chez nous « Ben voilà voilà ! », je termine gentiment ma dernière semaine de travail chez mon partenaire local UNES au Salvador et voici le moment de vous écrire une dernière petite lettre. Bon, au Salvador on est un peu superstitieux et on ne parle jamais de « dernière » mais seulement d’« avant-dernière » (penúltima) sinon ça signifie qu’on va passer outre. Ceci peut être compliqué quand il s’agit de commander une dernière bière au bistrot avant de s’en aller.


Bref, voici quelques conclusions personnelles sur ces 2 ans et demi de volontariat qui ne sont ni objectives, ni extrapolables au niveau du Salvador ou à d’autres organisations locales.



Niveau culturel

S’intégrer au Salvador n’a pas été de prime abord une très grande difficulté. En tant qu’étranger au visage pâle et souriant, on est très bien reçu par les Salvadoriens et ils sont en général très curieux d’en connaître davantage sur la Suède (Suecia) bien qu’on soit Suisse (Suiza). Il faut cependant se retenir de faire des blagues blasphématoires car la probabilité que la personne en face de vous ne soit pas croyante est environ de zéro.

J’ai également remarqué avec le temps que bien souvent ici, on ne se dit pas les choses directement en face en cas de désaccord et on évite la confrontation. Ceci est également applicable au niveau professionnel où on ne dit jamais « non » mais « si, a la orden » à son supérieur même si ce dernier se trompe ou a des demandes irréalistes. En revanche, dans l’application, on se rend assez vite compte si la personne était en désaccord.

Lors des assemblées ou des réunions, il n’est pas rare qu’une personne, en général, plus âgée, prenne la parole afin de raconter une histoire plus ou moins en relation avec le sujet de la réunion. Il est alors de coutume de ne pas interrompre ce monologue quitte à ce que toute l’audience se retrouve plongée dans les recoins les plus profonds du Facebook de son téléphone.

Selon avec qui vous êtes, plus vous employez du vocabulaire de caliche salvadoreño[1], plus votre interlocuteur s’enthousiasme. Au Salvador, on ne parle que rarement du temps dans les « small talks » et l’essentiel des conversations tourne davantage autour de la nourriture, peu importe si on vient de sortir de table. Les références au bon dieu sont omniprésentes, on ne dit pas « à bientôt » ou « à lundi prochain » mais « primero dios, nos vemos el proximo lunes » (traduction : Incha'Allah, on se voit lundi prochain). Quand vous êtes en bonne santé ou que vous vous êtes sorti∙e d’une situation compliquée, on commence également sa phrase par « gracias a dios, no se me quemó la casa el viernes pasado »[2] (exemple concret). L’expression la plus utile est « que dios te lo pague[3] ». Ainsi, vous vous déchargez d’être redevable de quoi que ce soit à une personne qui vient de vous dépanner.


Vie quotidienne

Au Salvador, les gens vivent encore en grande majorité au jour le jour. On se lève le matin pour aller gagner l’argent qui nous permettra de payer la nourriture quotidienne et le bus pour rentrer le soir. Pour les personnes qui ont un emploi formel, le budget se gère de façon mensuelle. Les jours de paie (les 15 et 25 du mois), tous les magasins, centre commerciaux et bistrots sont bondés pendant 2-3 jours avant de retourner au calme puis de galérer pour finir le mois (c’est assez rapide vu qu’on gagne 10 fois moins qu’en Suisse et que les prix sont uniquement 3 fois inférieurs). La notion d‘« économiser » n’est pas envisageable ou n’est pas transcendante.

Les journées à San Salvador débutent avec le ronronnement discret d’un premier bus à 4h30 du matin passant devant la fenêtre de votre chambre et se termine à 20h avec le dernier bus. Entre ces heures, les rues sont en grande majorité désertes, du moins en ville.

Volontariat

Aucun regret. Le degré de nouvelles expériences, de découvertes, de rencontres et d’enrichissement personnel se retrouve au niveau de la folie qu’il faut avoir pour aller vivre une aventure pareille. Les défis que j’ai rencontrés lors de ce projet ont été nombreux et certains à des niveaux de complexité et de responsabilité que je n’aurais pas cru être capable de surmonter. Il est vrai que dans la vie rien n’est gratuit et que les ressources personnelles nécessaires à surpasser certains défis se répercutent sur d’autres éléments de sa vie, comme sa vie privée et son bien-être physique et mental. Cependant, ce que j’ai appris au Salvador, contrairement à la vision suisse, c’est que les choses trouvent dans la grande partie des cas une issue positive. Pour comparaison, en Suisse, nous avons tendance à nous focaliser sur les 5% de chance que quelque chose de mal peut arriver (ou même 1/88'000 pour le risque de thrombose de certains vaccins). Au Salvador, bon, on ne mesure pas le risque car c’est une vision d’assureur suisse, mais si on le quantifiait, on se baserait davantage sur les 95% de chance que « la chose à mener » trouve une issue favorable. En revanche, quand il arrive quelque chose de mal, ben c’est vraiment quelque chose de très mal, il faut également l’admettre.

Une autre chose que j’ai apprise ici et que j’espère pouvoir appliquer en rentrant, c’est que dépendamment du contexte, il n’est pas toujours nécessaire d’investir l’énergie à déplacer des montagnes. Parfois, il est possible de faire preuve d’un peu plus de patience afin de trouver des synergies et les bons acteurs avec qui collaborer de manière à obtenir des résultats bien au-delà de nos propres expectatives et de ce qu’on avait imaginé. Par exemple, le dernier processus de formation que j’ai organisé avec l’université où 280 étudiants (sur 480) ont passé leur diplôme de la formation continue en toxicologie environnemental. C’est un peu comme apprendre à surfer une vague au Salvador (ce qui m’arrive rarement) ou de placer une clef de bras grâce à son niveau de technique super élevé en Jiu-Jitsu brésilien à un GI-gringo de 120 kg de l’ambassade des Etats-Unis (ce qui m’arrive également très rarement).

Bon, tout cela pour dire que cela vaut la peine d’aller faire un volontariat mais que cela demande quelques sacrifices, du bon sens, de fortes motivations, du courage et d’avoir les pieds sur terre.


Les trucs sympas à faire

Le Salvador, c’est la moitié de la superficie de la Suisse donc on peut escalader le volcan p.ex. de Santa Ana le matin, et descendre à la plage de Garita Palmera l’après-midi. C’est pas mal. Pour les amoureux des volcans c’est la bonne destination car on peut facilement escalader 4 volcans, avec celui de Conchagua qui donne une vue imprenable sur le Golf de Fonseca.

Surfer, c’est sympa, si on aime boire de l’eau salée ou si on a un niveau de surf au moins intermédiaire. Les vagues n’arrêtent pas.

Au niveau culturel, il y a différents sites archéologiques à visiter, dont le plus riche est Joya de Cerén. Sur la route de « las Flores », il y a plein de petits villages sympas dans ces collines et les quelques populations autochtones qui ont survécu aux espagnols.

Au niveau de la nature, il est possible de visiter des écosystèmes très différents comme des forêts de Mangrove et leurs crocodiles (Barra de Santiago), forêts tropicales sèches (Parque El Impossible) et des forêts tropicales humides (Parque de Montecristo). La biodiversité y est énorme et, en bord de mer, la discussion termine souvent sur la soupe de fruits de mer ou le poisson à griller.

Assis dans son jardin, il n’est pas rare de voir débarquer un banc de perroquets (Amazone à front blanc) dans un boucan d’enfer qui vient se rassasier sur votre manguier. On rencontre facilement des colibris, des torogoz (Eumomota superciliosa) et, avec une oreille attentive, des chouettes (Glaucidium brasilianum).

Au niveau de la nourriture, plus on s’y intéresse et plus on découvre de nouvelles spécialités à goûter qui ne sont d’ailleurs pas toujours salvadoriennes. Le nombre et le type de fruits sont infinis.

Bien entendu, le meilleur atout du pays ce sont ses gens. Je n’ai toujours pas compris comment la grande majorité des gens reste aussi sympa et « cool » dans un contexte où la vie est aussi dure. Je crois qu’il faut envoyer des salvadorien∙ne∙s en Suisse pour renforcer nos capacités en résilience et en gestion des risques climatiques et géologiques.

A tout bientôt,

[1] Tous les termes et syntagmes familiers et indigènes propres à l'espagnol salvadorien [2] “grâce à Dieu, ma maison n’a pas brûlé vendredi passé “ [3]“ que Dieu te le paie “

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